Le Domino Sermonis : Dialogos

- L'eveil de ma conscience coincide avec notre premiere communication au monde.

- C'est bien cela! Lorsqu'alors tu appelas "???? (Mama)" et que le monde exterieur nous distingua en nous nommant "?????, ??? ???? (Synos, mon fils)", nous nous comprimes commes un etre distinct.

- C'en est le debut, oui. Mais ce ne sont encore que de vagues songes. Notre esprit n'etait qu'a la frontiere de la conscience. Quand sort vraiment ta memoire des brumes de l'inconscience?

- Pour moi, l'eclaircie commence a la palestre... Je me souviens de chaque parole que nos maitres ont prononcee. Nous n'etions alors qu'un puit sans fond, avide de nous emplir des dits du Monde!
Mais je sais que pour toi, il n'en fut pas ainsi...

- En partie seulement. Au detour de certains jours perce le soleil d'un trop rapide echange avec un camarade, un professeur. Non, mon veritable eveil attendit le gymnase, ou suite a ce regrettable combat de pancrace qui nous prive presque totalement de l'usage de ce bras, nous exercames nos jambes avec les plus fameux peripateticiens d'Athenes.

- Oh oui, qu'il fut bon alors d'ecouter...

- Et de parler!

- ... ces grands esprits. Sais-tu d'ailleurs que certains de nos entretiens avec Socrate furent reecrits par ce jeune Platon?

- Oui, tu l'as deja entendu quelque part. Mais ce jeune homme venerait tant son maitre qu'il ne relate que les conversations ou le vieux sage reussissait a nous convaincre...
Bref, a partir de ce moment, les souvenirs sont ont garde toute leur clarte.Rappelle-toi les ambassades ou nous fumes envoyes pendant la guerre, perdant bien souvent le fil de nos missions dans ces debats passionnes, ou raison et morale basculent et tanguent.

- Ce qui, somme toute, nous a sauves...

- Et oui, de ces conversations nul ne pouvait nous accuser de la moindre opinions delictueuse. Celui qui le faisait etait aussitot desavoue de son propre ami, avec qui nous nous etions egalement entretenu...

- Toujours a la recherche d'interlocuteurs, nous avons parcouru la Grece avec Gorgias, puis le reste du monde grec apres avoir suivi notre amant Milon a Crotone.

- Mais nous n'en avions pas assez... Delaisse par un amant de trop, par un interlocuteur trop presse, nous avons decide d'aller a la rencontre de nouvelles pensees, de nouvelles paroles.

- Alors je nous ai traine chez la Pythie, qu'elle nous indique ou mener nos pas. Tu ne voulais pas, hein?

- Non, je ne voulais pas aller assister au fumeux monologue de l'oracle... Mais je dois reconnaitre qu'en fait, le dialogue fut des plus interessants...

Je suis fort...
Je suis fort, parce que je suis grand et lourd...
Je suis fort, mais je n'aime pas la force...
Je suis fort, et j'aime ce qui est faible et que je peux défendre...
Je suis fort, mais j'aime être dominé par ce qui est faible...

Je croyais aimer les femmes, car j'aime protéger leur faiblesse...

J'aime cet homme...
J'aime cet homme parce qu'il est faible, et pourtant sa force me domine...
J'aime cet homme parce que sa parole m'abat...
J'aime cet homme parce qu'il sait m'écouter gémir...
J'aime cet homme parce que c'est lui qui me protège...

Je le tenais enlacé dans mes bras quand, en haut de notre passion, ses larmes ont glissé entre mes lèvres...

Et alors...
Et alors j'ai su...
Et alors je l'ai craint...
Et alors je l'ai haï...
Et alors, surtout, je l'ai aimé.