Le Livre des Questions

Deux cents ans après la Chute des Anges, les étrangers arrivèrent. Ils tuèrent le gardien des Portes du Paradis au moyen de la lame nommée Atrocité. Par ce geste, ils déclenchèrent l'Âge de la Douleur. Le phénix fit sont nid puis s'enflamma jusqu'à devenir cendres. Un homme appelé Vyasa écrivit le Soutra des Questions, et déclara que quiconque apporterait une réponse à chacune des questions qui y sont inscrites maîtriserait le monde.

1. Une femme, lors d'un voyage, se retrouve face à un mur ; mais à peine arrive-t-elle à son pied qu'un dieu le pulvérise. « C'est un miracle ! » s'exclame la femme.

2. Un chien, attaché à un poteau, s'acharne à tenter de se libérer. Un voyageur de passage le détache. « C'est un miracle ! » aboie le chien.

3. Est-ce que le chien comprend les miracles ? Est-ce que la femme les comprend ?

4. Un fermier déclare : « Une rivière ne choisit pas son cours, mais elle obéit aux vents et à la pluie ; ces derniers déterminent son chemin et tracent son circuit. Tel n'est pas le cas pour les humains : moi seul choisis ma voie. »

5. La rivière déclare : « Je choisis mon cours, et m'écoule où je le souhaite. Tel n'est pas le cas pour les humains : leur esprit est contrôlé par leurs instincts animaux, et ce n'est finalement que l'éclair parcourant leur chair qui dirige vraiment leurs actions. »

6. Est-ce l'homme qui connaît la rivière, ou bien la rivière qui connaît l'homme ?

7. Un oiseau pénètre dans la cage par la grille ; quand il cherche à la quitter, il trouve la grille de la cage fermée.

8. Si l'oiseau était un dieu, alors quelle serait sa cage ?

Ces questions, Vyasa les dispersa dans les courants de la mer, afin que les océanides puissent les porter sur les rivages les plus éloignés de la Création.

1. « Les natifs de la région côtière sont un peuple admirable, dit Seigneur Mohindra. Leur système éthique est stric et précis, et lorsqu'il ne le respectent pas, ils s'engagent dans de sérieux actes de contrition. »

2. « Une observation juste, répondit Dame Dhanvanya mais trompeuse. Car malgré la profondeur de leur croyances éthiques, en pratique, ils sont loin de se conformer à leurs principes, et sont engagés dans de tels actes de contrition en permanence. Je ne les Admires pas du tout. »

3. « Quel est le plus important : de bonnes croyances, ou de bonnes actions ? »

4. Un historien relatant les événements de son temps s'exclame « Je suis le Créateur ! Quand toutes les personnes qui se souviennent de ces événements seront mortes, l'histoire que j'écrit deviendra la seule vérité. »

5. « Assurément, répond un balayeur qui passait par-là, vous ne pouvez dissimuler le cours des événements : car vous écrivez ce que vous écrivez — vérité ou mensonge — à cause des événements qui ont réellement eu lieu. »

6. « Ce n'est là que la sottise d'un paria ! Mon histoire explique amplement comment elle vint à être écrite. »

7. La théorie du balayeur est sottise. Celle de l'historien, orgueil démesuré. Quelle est la force qui crée notre passé ?

8. « Je fais seul face à l'ennemi. Je n'ai besoin d'aucune arme. Je n'ai besoin d'aucune armure. Je n'ai besoin d'aucun allié, ni d'or. Je me suffis à moi-même. »

9. L'érudit sourit, et retira la Vérité ; alors le guerrier s'écroula, comme un enfant.

10. Même les plus grands guerriers s'effondreraient sans ce soutien — où pouvez-vous donc trouver ceux qui n'ont point besoin de Vérité pour faire face ?

11. Quelle est la destination finale du juste et miséricordieux ?

Ces questions ont été confiées par Vyasa à Rohana la Compatissante. Elles ont été perdues à maintes reprises dans ce monde, mais à chaque fois Rohana les a ramenées : une fois par le combat, une fois grâce aux éléments qu'elle contrôle, une fois avec l'aide de son peuple, une fois avec les fleurs dispersées sur la mer.

1. Les conseillers de la Princesse Bidalika ont mené quatre hommes devant elle, pour qu'elle choisisse un mari. L'un d'entre eux avait la force d'un raz-de-marée. Un autre se déplaçait avec la grâce des vagues. Un autre connaissait des secrets plus sombres que les profondeurs de l'océan. Elle les rejeta tous les trois.

2. Le quatrième homme était un fou, une bête, une horreur, mû par une rage incontrôlable et des désirs profanes. En le voyant, la Princesse frappa dans ses mains et dit : « Voici un Prince parmi les hommes ! »

3. Pourquoi choisirait-elle un tel homme pour époux ? Pourquoi les trois premiers ont-ils échoué de peu ?

4. « La neige de votre pays vous a influencé », dit la Dame au Seigneur. « Vous êtes pâles. Vous êtes froid. L'air est plus propre où vous êtes passé »

5. « Ce n'est pas le cas », dit le Seigneur. « Je suis moi-même ces choses. C'est la neige, qui au fil du temps, en est venue à me ressembler. »

6. D'où vient la couleur de la neige ?

7. Certains disent que le temps précédait toute chose, certains disent que c'était le chaos.

8. Quel est le plus ancien des dieux ?

9. Un grand raz-de-marée va traverser le monde. Il emportera les hommes, les femmes, les enfants dans son sillage, les changera à jamais. Mais ils ne comprendront jamais qu'ils ont changés.

10. Une poignée d'entre eux resteront indemnes et inchangés. Et les autres les montrerons du doigt en disant : comme ils sont étranges ! Comme leur vie a changée !

11. Qui ne bouge pas Lorsque Tremble le monde ?

Pour que ces questions survivent au passage du temps, Vyasa les a gravées dans les pierres du Mur de Gir. Ceux qui s'y rendent en pèlerinage en reviennent changés. Certains acquièrent des dons, nouveaux et étranges. Certains n'en reviennent pas indemnes et développent de sombres séquelles. Tous parlent de la merveilleuse clarté des inscriptions de Vyasa.

1. Je suis la lame qui ne blesse que l'esprit.

2. Je suis le fouet qui ne blesse que le pouvoir.

3. Je suis le feu qui brûle entre l'âme et le monde.

4. Que suis-je ?

5. Dame Zubeida siégeait au tribunal. « J'ai décidé de la manière dont vous allez être exécuté » dit-elle à l'homme condamné, « mais j'épargnerai votre vie si vous parvenez a deviner correctement le type d'exécution que j'ai choisi ».

6. « Madame, répondit sans hésitations l'homme condamné, vous avez l'intention d'appliquer le pouvoir de votre position pour m'ôter la vie ».

7. De combien de façon Dame Zoubeida peut-elle appliquer le pouvoir de sa position ?

8. Brahmasuras le Moissonneur dit : « Le Créateur soit loué ; je suis béni ! Je suis en bonne santé et la chance me sourit. Ma vie est sans défaut ».

9. Gitali l'Aveugle répond : « Le Créateur soit loué ! Connaissant mes faiblesses, je sais compenser leurs effets. Quelle chance ai-je comparé à ceux qui ne connaissent pas leurs limites ! »

10. Saurabh le Malchanceux répond : « Le Créateur soit loué ! Personne ne sait quand la malchance va frapper. Personne n'est préparé a son terrible toucher. Cependant cette incertitude est une bénédiction ! Assailli de problèmes toujours différents, je suis devenu flexible de nature et mon esprit réagit rapidement ».

11. Chacun plaint l'autre, mais lequel est véritablement béni ?

Vyasa a murmuré ces questions au vent : aussi longtemps que le vent soufflera, la race humaine s'en souviendra. Il a murmuré ces choses à la terre : et aussi longtemps que la Terre supportera l'humanité, cette dernière s'en souviendra. Il parla devant une assemblée des peuples de nombreux pays, et dans tous les pays, les gens ont entendu parler des Soutras du grand Vyasa. Ainsi sont préservées ces questions.

1. Quel est le prix du meurtre ?

2. Qui se déchaînait dans le vide, mais ne se déchaîne plus ?

3. Qui détruisait les injustes, mais ne détruit plus ?

4. Qui dansait à la surface des Abysses, mais ne danse plus ?

5. « Tu est mortel », dit le dieu Harasekhara, « et je connais toutes les facettes de ton être. Je connais tes forces. Je connais tes faiblesses. Je connais chacune de tes pensées. »

6. « Je connais une question sur moi-même », dit le mortel, « à laquelle tu ne peux répondre. »

7. Quelle vérité de votre existence les dieux eux-même ne sont-ils pas susceptibles de connaître ?

8. Dame Urvasi et Dame Iya se tenaient devant les portes de l'Enfer. « Je suis forte », dit Urvasi. « Je peux survivre aux pires tourments de cet endroit. »

9. Dame Iya dit : « Tu es forte ; mais la force est-elle un atout là-dedans ? »

Vyasa confia ces paroles à Bimbesvara la Rakshasa, lui donnant les instructions suivantes : « Si quiconque recherche cette connaissance, tu dois la partager avec elle et la laisser partir en paix. »

« Je refuse », répondit Bimbesvara. « Ce n'est pas dans ma nature que de converser avec une créature inférieure et de la laisser partir en paix ; je préfère lui arracher la tête et m'en servir comme une marotte pour me distraire. »

Vyasa dit : « Très bien. Tu peux faire ce genre de chose, mais seulement si sa quête de savoir n'est pas sincère. »

1. Ils prient à la lueur du Paradis. Ils tirent leur force du monde.

2. Leurs épines sont la mort et leurs urnes détiennent le pouvoir.

3. Quels sont les symboles premiers de ce monde ?

Vyasa lia ces questions à la loi de ce monde. Des artistes et des visionnaires, à la recherche de vérités supérieures, se réveillent comme sortis d'une transe pour trouver ces questions griffonnées sur leur toile ou leur carnet. Dans un hôpital psychiatrique du Missouri, les catatoniques psalmodient ces mots sans arrêt. Ils passent d'une âme perdue à une autre comme une maladie. Les fous hurlent en chœur « Vyasa ! Vyasa !»