Un pétale d'aubépine
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Display Star Wars Unlimited Ombres de la Galaxie : ...
Voir le deal

La Domina Mascha : Luciella

Aller en bas

La Domina Mascha : Luciella Empty La Domina Mascha : Luciella

Message par Vinciana Ven 7 Aoû - 6:00

Le temps d'être humain


Dés l’instant où les masques et le carnaval vénitien existèrent, une maisonnée de fabricants de masques exista elle aussi. Nul doute que cette maisonnée exista en d’autres lieux et en d’autres temps, mais là n’est pas le sujet.
Leur manoir se trouvait dans la campagne vénitienne, mais les brigands auraient eu du mal à venir la piller tant sa présence même en ce lieu semblait fluctuer, et les marchands ne trouvaient le manoir que lorsque ses habitants éprouvaient le besoin d’être ravitaillé. Nos fabricants de masques eux-mêmes ne sortaient que pour approvisionner Venise en masques et pour trouver des conjoints afin de se perpétuer.
Le dernier fils de cette maisonnée se nommait Vincente. Comme souvent en cet endroit, il était fils unique, mais contrairement à ses ancêtres, il était au premier abord d’un tempérament fougueux et turbulent, près à se passionner pour tout et à se lier d’amitié avec le premier venu.
Toutefois, la maisonnée obéissait à une ancienne loi, qui stipulait que l’amour était une tare et qu’il ne fallait point aimer. Et lorsqu’un premier voyageur, puis un second, et un troisième se retrouvèrent au manoir et se lièrent d’amitié avec leur jeune fils, ils comprirent qu’il lui serait impossible de se conformer à cette loi s’ils ne prenaient pas des mesures drastiques. Nous ne nous attarderons pas sur les dites mesures, mais nous dirons simplement qu’au bout de quelques années, le jeune Vincente avait si profondément enfoui les sentiments qu’il pouvait avoir, qu’il ne lui était pas plus possible de les exprimer qu’il n’aurait été possible aux trois étrangers enterrés dans le cimetière de prendre un petit déjeuner qui ne soit point composé de racine de pissenlit.

Les années passèrent et Vincente devint un maître en fabrication de masques, comme son père et son grand-père et tous les ancêtres qui l’avaient précédé.

A vingt ans, Vincente du à son tour se marier, afin de perpétuer la lignée. Ses parents choisirent sa première épouse, selon les traditions familiales. Ils choisirent une femme qui abhorrait ses contemporains et ne demandait pas mieux que d’épouser un homme qui s’assurerait qu’elle ne souffrirait pas de disettes et qu’il ne la forcerait point à fréquenter ses voisins.
Ils vécurent ensemble pendant deux ans, se voyant à peine, se parlant à peine. Vincente sentait confusément un vide immense dans son existence. Et un jour, sa première épouse ne se réveilla point. Sans doute dans la nuit avait-elle mis son coussin sur sa tête et le poids l’avait étouffé.
Les parents de Vincente lui choisirent une seconde épouse. Celle-ci un peu plus enjouée que la première. Mais comme son mari ne répondait pas à son enjouement, elle se referma et leurs échanges ne furent bientôt plus que pure politesse et semblant d’amour marital. Un soir, elle fut prise de consultions et mourût bientôt. Sans doute dans la pénombre, avait-elle confondu les herbes de sa tisane et celle qu’elle utilisait pour tuer les rats.
Les parents de Vincente n’étaient plus là pour choisir une troisième épouse à leur fils. Aussi celui-ci choisit-il une femme plus exubérante. Mais face à l’incapacité de son mari à répondre à son tempérament passionné, elle chercha bientôt ailleurs des amants et elle ne passa bientôt plus que rarement ses nuits au manoir. Lorsqu’elle mourut, il n’y avait personne pour dire que, dans un accès de folie, elle s’était cousue son masque préféré sur la figure afin de ne plus le quitter. Vincente sut toutefois avec certitude qu’elle s’était bien pendue elle-même après avoir vu ce qu’était devenu son visage une fois le masque enlevé.

Comme il fallait toujours perpétuer la lignée, Vincente prit une quatrième épouse.

------

Luciella était née pauvre, mais la nature l’avait dotée d’une beauté suffisante pour pouvoir prétendre à un mariage avec un homme qui n’exigerait pas une dot conséquente, ou même avec un homme qui ne dédaignerait pas offrir quelques cadeaux à ses parents afin de pouvoir la mettre dans son lit.
Par chance, elle était la lumière qui égayait les yeux de son père et, contre la promesse –difficilement tenue – de ne pas s’égarer au-delà des baisers avant le mariage, il s’engageait à lui trouver un homme qui ne soit ni trop vieux, ni trop laid.
Et Luciella pensa ne pas avoir été perdante dans l’échange lorsqu’on lui présenta Vincente, descendant d’une longue lignée de fabriquant de masques. Il n’avait qu’une demi-douzaine d’année de plus qu’elle et avait cette beauté presque éthérée dont on pare les êtres féériques.

Luciella déchanta après son mariage : Vincente n’était pas un mauvais mari. Il ne la battait pas, ne l’injuriait pas. Il était toujours d’une extrême politesse, mais d’une grande froideur.
Du matin au soir, il travaillait sur ses masques dans le silence de son atelier. Sculptant, peignant, cousant, dessinant à longueur de temps. Avec une immense patience et une attention sans faille.
Mais pour Luciella, pas un sourire, pas un mot tendre, pas un compliment. Pas de passion non plus dans l’intimité de leur chambre.

Habituée à l’amour bourru et démonstratif des parents, aux bruits constants de son enfance, Luciella finit par croire qu’elle était emmurée dans une tombe silencieuse. La maison de son époux était éloignée de tout. De temps à autre, un marchand itinérant venait livrer nourriture, outils et matériaux. Et c’est tout juste si elle ne se jetait pas dans ses bras, avide de nouvelles du monde, de paroles et vie. Et le lendemain, il s’en allait, la laissant dans cette maison aux milles visages sans regard.

Presqu’un an après leurs épousailles, Vincente emmena Luciella à Venise, afin d’y livrer ses masques pour le Caranaval.

La veille de l’ouverture du bal, Luciella trouva un masque sur son lit. Il était beau, mais sans éclipser sa beauté à elle. Au contraire, il la magnifiait. Toute heureuse, elle alla demander à son époux, quel masque il porterait. Il lui répondit que le visage qu’il portait tous les jours valait bien n’importe lequel de ses masques. Cette phrase blessa et troubla Luciella plus qu’elle n’aurait sut le dire.
Pourtant, elle mis le masque ce soir là. Etrangement, elle se trouva libérée du regard des autres, libérée de tous les faux semblants qui gouvernaient son existence. Pendant deux jours, elle se laissa porter par le jeu et le désir, se perdant dans les bras d’hommes masqués, sans se soucier un instant d’être une bonne fille ou une bonne épouse. Le troisième jour, alors qu’elle s’apprêtait à partir avec l’un de ces cavaliers, elle aperçu Vincente immobile dans la foule. Il ne portait toujours pas de masque. Nul ne l’abordait.
Il semblait comme un marionnettiste solitaire et inquiétant, orchestrant tout ce charivari.
A son tour Luciella enleva son masque et regarda la foule. Déjà son cavalier avait rejoint une autre femme.
Luciella compris que ce masque ne l’avait pas libéré des faux semblants de son existence ou plutôt qu’elle était passée d’un faux-semblant à un autre.
Elle se retira de la fête, et décida de réfléchir à ce qu’elle désirait vraiment. Vivre des aventures sans lendemain avec des inconnus, voyager et découvrir d’autres villes et pays, mener une morne vie auprès du beau Vincente ?

Finalement, Luciella se rendit compte qu’elle désirait pouvoir aimer son époux sans détours, et qu’elle voulait qu’il l’aime à son tour. Et pour cela, tous les moyens seraient bons.

Jeune femme extrêmement têtue, elle décida de n’être jamais la même afin de briser les habitudes. Un jour fantasque, un jour tyrannique, un jour aimante, elle s’acharna à susciter des émotions non masquées chez Vincente.
Elle chercha les secrets de la maison, l’histoire du lieu. Elle fabriqua quelques masques, elle en brisa beaucoup. Et même lorsqu’elle découvrit qu’elle n’était pas la première épouse de Vincente, elle ne se laissa pas distraire de son objectif, elle refusa de le mettre en question en comprenant qu’elle aimait un assassin. Au contraire, elle déterra les cadavres de ces prédécesseurs et les installa dans diverses pièces de la maisonnée, derrière des masques grotesques et s’adressant à eux comme à des vivants.

------

Le manège dura des mois, mais bientôt Vincente laissa trahir des signes de tensions, des colères, des incompréhensions.
Finalement, il tenta de la poignarder. Le couteau ne fit que passer sur le visage du Luciella, mais il emporta un œil avec lui. Et quand Luciella lui dit simplement « Aime-moi ». Vincente sut qu’il était perdu.

Vinciana

Nombre de messages : 2
Age : 42
Date d'inscription : 06/08/2009

Le Chiffre
Personnage: Luciella
Puissance Souveraine de...: Masques et Faux-semblants
Affiliation:

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Ne ratez plus aucun deal !
Abonnez-vous pour recevoir par notification une sélection des meilleurs deals chaque jour.
IgnorerAutoriser